Conclusion

Dans l'observation filée du lycée A, le professeur ne voit pas la calculatrice comme un élément public de l'ensemble des ressources des élèves et ne promeut pas la genèse documentaire de la machine. En conséquence, les élèves n'ont pas investi cette potentialité ou l'ont investie de façon privée. C'est ce que l'on peut voir, par exemple dans cet extrait d'un fichier d'un dossier  Math  d'une calculatrice (figure tableur), où cet élève n'utilise pas les potentialités de calcul formel de la machine, mais recopie à la main les formules usuelles de dérivation.

Figure: Un exemple de contenu d'un dossier, janvier 2009
Image derive

Cette propriété d'organisation et de mémorisation reste donc privée et les dynamiques de constructions diffèrent du côté du professeur et du côté des élèves et participent à l'émergence d'incidents de contrat lorsque les élèves souhaitent utiliser en classe leur calculatrice comme élément de leur ensemble documentaire faisant donc naturellement part de leur milieu matériel, ce qui n'est pas perçu ou rejeté par le professeur. Ces incidents de contrat sont à considérer sur un temps long et ne sont pas forcément sensibles dans une observation ponctuelle. En revanche, ils peuvent être ressentis dans le décalage existant entre la réalité des contenus des calculatrices et le discours dans les entretiens ; ainsi, par exemple, G1 déclare au début de l'entretien (passage déjà cité) :

O : [...] vous travaillez avec la calculatrice, alors ?

G1 : Ouais, mais, je l'utilise pas tant que ça...

O : Vous ne l'utilisez pas tant que ça, mais quand vous l'utilisez, vous l'utilisez comment ?

G1 : Pour faire les dérivées,..., quelques intégrales, pour vérifier, c'est tout,...mais c'est pas pour euhh...

Ce qui peut être mis en relation avec les déclarations de la fin de l'entretien :

O : Et alors, pour le bac, vous pensez que la calculatrice, ça peut vous apporter quelque chose ?

G1 : Ah oui, oui, c'est sûr, c'est un gros atout pour le bac.

Ces deux extraits mis côte à côte peuvent être interprétés comme une double position de la calculatrice dans l'ensemble des ressources de cet élève : d'une part, dans le contrat de la classe, c'est-à-dire dans la partie collective des propriétés de cette ressource numérique, seule est évoquée la propriété de création, représentant des possibilités de calcul et de représentation ; d'autre part, dans la partie privée apparaissent les propriétés de mémorisation qui sont jugées comme utiles pour l'examen. L'incident de contrat peut alors provenir de la confrontation de ces deux postures ; ce que l'on trouve, par exemple, dans l'incident de frottement (IF2, ligne 196) de l'observation du 23 avril, lignes 191-199 (page [*]), le professeur après que l'expérience numérique ait été réalisée sur l'ordinateur oppose le travail théorique et l'usage du logiciel :  On n'a plus de machine et on essaye de réfléchir . L'incident de frottement peut être alors interprété comme une rupture entre ce que représente la calculatrice dans ses propriétés d'instrument de calcul et ce qu'elle représente dans ses propriétés de document numérique.

Gilles 2012-03-05