Problématique et questions

Dans ce contexte d'utilisation d'outils numériques pour l'enseignement et l'apprentissage, sont en jeu les constructions de connaissances des objets mathématiques. Ces objets, comme tous les objets mathématiques, ne peuvent être appréhendés qu'à travers certaines de leurs représentations et un résultat étayé par de nombreuses recherches est que l'usage de l'informatique facilite le travail sur les représentations des objets d'un point de vue interne (manipulations dans un registre) ou externe (conversion, passage d'un registre à un autre) Trouche2010. Par ailleurs, ce que la recherche a montré et ce qui peut être observé dans les classes, c'est que l'introduction de l'informatique ne va pas de soi et qu'une longue appropriation de ces outils se joue dans un va et vient constant entre l'artefact (l'objet matériel) et l'utilisateur dans un long processus prenant en compte les relations de l'utilisateur avec l'artefact Artigue1998,Trouche2004. Que ce soit Piaget1967 ou Vygotsky1934, Skinner1974 ou plus récemment Fisher1998 les théories de l'apprentissage insistent sur le rôle des interactions dans le processus d'apprentissage. Il est maintenant assez établi que ces interactions ne se limitent pas aux interactions dans la classe mais se modélisent plus profondément en utilisant des cadres de pensée qui permettent de prendre en compte l'environnement tout entier des acteurs, connaissances et conceptions y compris.

Le cadre choisi permettant de comprendre, d'expliquer et de modéliser le  jeu  qui se joue dans la classe est celui de la théorie des situations didactiques (TSD) Brousseau2004 ; il est suffisamment précis pour décrire et rendre compte de la complexité des interactions qui se nouent aussi bien dans une séance de classe que sur un temps plus long (séquence1.5, trimestre, année scolaire, scolarité...). Par ailleurs, l'ergonomie cognitive Mumford1983,Sperandio1984 permet d'interroger les interactions entre les acteurs en posant le regard sur l'activité de chacun. Ce double regard permet de modéliser les interactions, d'un point de vue didactique (TSD) et ergonomique. Un des moments cruciaux dans l'étude de l'activité est celui où des événements n'ont pas été prévus par un ou plusieurs des acteur(s). Il s'agit de porter son attention sur ces incidents. Tout particulièrement dans le contexte d'utilisation de l'informatique dans la classe de mathématiques, les occasions d'incidents sont nombreuses et leurs conséquences sur les actions des acteurs peuvent être étudiées d'un point de vue didactique : les incidents sont révélateurs de réorganisations, de modifications de la dynamique de classe et remettent en question les intentions du professeur et les intentions des élèves. La façon dont les élèves s'emparent de la proposition du professeur et développent des parcours différents dans une même classe apparaissent dans les interactions didactiques, ce qui m'amène à formuler une première question de recherche que je développerai et affinerai en m'appuyant sur des cadres théoriques :

Comment et en quoi l'étude des incidents dans la classe permet-elle de mieux comprendre et d'agir sur les apports des environnements numériques à la compréhension des objets mathématiques à travers le jeu sur leurs représentations ?

Gilles 2012-03-05