En détail

Dans le lycée A, les visites, les discussions avec les collègues de l'établissement, les observations ponctuelles dans d'autres classes sont autant d'éléments permettant de situer la position de Marie dans la situation noosphérienne et dans sa confrontation au milieu de construction.

En ce qui concerne les observations de classe, il fallait suivre la dynamique de la classe du point de vue du professeur et du point de vue des élèves tout en adaptant les observations au type de séance : séances de travaux pratiques en salle informatique pendant lesquelles les élèves avaient une autonomie importante, séances de travaux dirigés, guidées par le professeur. Dans le premier cas, l'observation a été conduite sur deux prises de renseignements complémentaires :

Comme indiqué dans le tableau structureGC, deux observations couplées à l'écriture d'un journal (Tableau journal) ont été réalisées dans la classe de Marie (Observation 1 et Observation 3).

Une observation dans une autre classe de terminale, suivie d'un entretien avec le professeur (Observation 2) a été réalisée entre ces deux observations. Enfin, et comme précisé dans le choix du niveau de la classe terminale, une observation de l'épreuve pratique de mathématiques (Observation 4) a été couplée avec des entretiens avec les élèves.

De la mise en place de cette méthodologie a résulté à la fois des résultats (cf. chapitre chapitre3) mais aussi des manques, en particulier liés aux interactions non verbales entre les protagonistes. En rajoutant également les exigences du projet européen, les observations dans le lycée B ont été réalisées en utilisant des moyens vidéos. Dans ces conditions, il s'agissait non seulement de décrypter les dialogues mais aussi les  gestes  des acteurs, principalement dans des situations d'interaction.

Quatre types d'enregistrements vidéos ont été réalisés :

Les transcriptions de ces vidéos s'appuient sur une analyse de l'action conjointe (cf. paragraphe actionconjointe) des élèves et du professeur permettant de sélectionner les épisodes intéressants à partir de niveaux d'analyse de l'ordre de l'épisode ou de la scène Marlot2008.

Il est indéniable que la présence de caméras dans la classe n'est pas sans risque de modification des comportements des élèves et du professeur. Le contexte de la participation du lycée au projet européen EdUmatics présenté par Jean aux élèves et ma présence fréquente ont cependant rendu plus ordinaire cette intrusion. Le  contrat d'observation  pourrait ainsi se définir en prolongeant le contrat didactique dans la relation sociale entre l'observateur et le ou les observés. Ce contrat porte sur l'objet de l'observation qui ne peut ni ne doit toucher à la personne mais plutôt être témoin des relations sociales qui se nouent dans la scène observée. Tout comme le contrat didactique, ce contrat implicite repose sur une négociation longue qui incite à construire les observations de classe dans un continuum. La présence de l'observateur et de la caméra est alors progressivement acceptée de la part des observés mais aussi, l'observateur peut s'intégrer à la situation pour rendre compte de l'engagement des observés dans leur action :

Selon cette perspective, nous pouvons reconsidérer le rapport de confiance, puisque celui-ci est sous-jacent à tout accord, comme celui de se laisser filmer : [...] une personne n'accepte pas la caméra au bénéfice d'une simple relation de confiance avec l'observateur filmant ; en revanche elle accordera à être filmé en vertu de sa confiance dans la circonstance de son engagement [page 150]Lallier2009

Le paradoxe du contrat didactique repose sur le fait que si le professeur dévoile ses objectifs d'apprentissage, il prend le risque que l'élève ne puisse pas investir la situation et atteindre l'apprentissage souhaité. Si le professeur rend visible ses intentions d'enseignement, l'élève peut être privé de construire son apprentissage. Si l'élève accepte que le maître lui enseigne les résultats, alors il perd la chance de les établir et de les apprendre, et s'il refuse toute relation avec le maître, il rompt la relation didactique. L'équilibre est alors régit par la situation construite par le professeur et jouée par l'élève dans ses relations aux milieux. Le paradoxe du contrat d'observation repose lui aussi sur l'impossibilité de dévoiler les objectifs de l'observation sous peine de fausser la dynamique de la classe en modifiant sensiblement le milieu matériel de la situation et en même temps de signifier la raison de sa présence. L'observateur est, d'une façon ou d'une autre3.15, présent dans la classe et modifie le milieu ; de ce fait, l'observation porte sur une situation légèrement différente de la situation qui aurait pu être jouée en dehors de sa présence. Il est donc important de minimiser la distance à la situation initiale provoquée par l'observation. Pour l'observateur, être conscient de la position de l'objet d'observation dans l'engagement de l'observé est ainsi essentielle pour minimiser cette distance.

Il est intéressant de noter que l'observateur et le P-observateur dans la situation de référence sont tous les deux dans une posture d'observation, mais que P-observateur a la possibilité de changer de posture et est vu comme ayant cette possibilité3.16. Alors que l'observateur est figé dans une position d'observation de la circonstance de l'engagement et c'est la modification de la perception du filmé vis-à-vis de cette circonstance qui modifiera la posture du filmé3.17.

Il reste cependant à tenir compte du fait qu'un film est une représentation d'une partie de la réalité, une déformation du réel qui conduit à la restriction du champ visuel et par conséquent au grossissement de certains phénomènes [page 20]Guernier2006, cependant, et en suivant [page 45]Mondana2006  l'image vidéo permet en outre de constater empiriquement que les participants se livrent souvent à plus d'une seule activité à la fois et de revisiter conceptuellement la question de la structuration de l'activité de manière à prendre en compte ce phénomène . La vidéo permet également de saisir des interactions non verbales et des explicitations de concepts en cours de construction comme le montre la photo [*] extraite d'une observation d'un groupe de quatre élèves : dans cet épisode, l'élève mime avec la main le passage du terme $u_n$ au terme $u_{n+1}$ d'une suite et construit un début de définition récurrente de la suite.

Figure: Interaction non verbale dans un groupe d'élèves
Image Capture-heure2008-1-02

Gilles 2012-03-05