Prolongements

Les prolongements possibles de ce travail peuvent être considérés dans des directions de recherche différentes :

L'exploitation en formation des enseignants de l'apport méthodologique doit permettre de construire une analyse fine de situations de classes ordinaires dans un contexte informatique en s'appuyant sur les interactions dans la classe et la compréhension des genèses documentaires parallèles des enseignants et des élèves. Les analyses ascendantes et descendantes facilitent la construction d'une analyse a priori des situations et le repérage et l'analyse des incidents didactiques affine l'analyse a posteriori ; la typologie des incidents didactiques peut être prolongée et affinée pour permettre un repérage aisé et opérationnel pour des professeurs débutants dans une perspective de compréhension des dynamiques de classe, mais aussi comme outil de régulation de ces dynamiques dans le temps de la classe. Enfin, les possibilités de relier les incidents locaux à des phénomènes globaux résultant d'une divergence des genèses documentaires des professeurs et des élèves, sont autant de pistes de travail visant à mieux comprendre la place des artefacts numériques dans la classe. L'aspect de ce travail qui peut être prolongé est ainsi le rapport entre les artefacts numériques considérés comme ressources pour l'apprentissage dans et hors la classe. Les hypothèses qui résultent de cette recherche portent sur les genèses documentaires parfois divergentes ou contradictoires du point de vue des élèves, du professeur et de la société dans son ensemble. Une recherche plus approfondie pourrait consister à se poser la question d'une clarification dans l'école de la société de communication du rôle des artefacts numériques au vu de leurs potentialités d'apprentissage.

Pour affiner les potentialités didactiques de la notion d'incident didactique, une autre direction de recherche pourrait être l'élaboration et la mise en place d'une ingénierie didactique réfléchie pour provoquer des incidents particuliers, relevés dans les observations, et observer si les perturbations provoquées peuvent être reproduites. La confrontation entre l'analyse a priori et la réalisation effective en classe serait une source de raffinement de la typologie et des définitions de cette notion. Par exemple, dans le cadre d'une situation de classe, et pour étudier plus avant les perturbations provoquées par un incident syntaxique, on pourrait construire une situation nécessitant l'utilisation d'un outil dont la syntaxe ne serait pas accessible sur l'artefact utilisé. Les observations dans les classes ordinaires ont montré que les élèves pouvaient alors investir une situation marginale adidactique. Les questions qui pourraient alors se poser seraient liées aux apprentissages mathématiques provoqués par une telle situation et les relier aux genèses documentaires des élèves et du professeur. De la même manière et sur un temps plus long, le suivi des ressources numériques des enseignants et des élèves sur plusieurs années scolaires pourrait être relié aux relations existantes entre les évolutions des systèmes documentaires et les modifications de l'enseignement du côté des professeurs et les apprentissages des mathématiques du côté des élèves. Les modifications de la forme, du contenu et des usages des ressources à disposition des enseignants comme des élèves ont une influence sur l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques et les questions qui pourraient être posées concernent l'équilibre entre ces trois dimensions dans une perspective d'utilisation des ressources numériques dans l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques.

La métaphore utilisée dans ce travail est à la fois féconde et incomplète tant qu'une modélisation effective ne pourra être faite, modélisation permettant non seulement de décrire, de comprendre et d'illustrer les phénomènes de la classe de mathématiques mais aussi de les implémenter dans un langage de programmation pour rendre effectif le modèle. Jean Petitot dans sa page personnelle5.1 écrit :

Les modèles dynamiques constituent désormais une part essentielle de la modélisation cognitive. Ils sont utilisés pour modéliser certaines performances cognitives fondamentales. Implémentés dans des réseaux de neurones formels, ils permettent de développer un point de vue physicaliste, mais non éliminativiste, sur les sciences cognitives. Ils participent ainsi activement à la naturalisation des sciences humaines.

La tentation de produire un tel modèle mathématique des interactions dans la classe sur un modèle de système dynamique est à la fois ambitieux et délicat ; cependant, la didactique des mathématiques pourrait le considérer, tout comme l'ont fait les psychologues :

For instance, understanding teaching as a process of transmission requires not only an understanding of how the child processes the transmitted information, but also of how the teacher processes the information about the learning progress-or not- made by the child. This transactional process between learner and teacher can be modeled by a dynamic system, linking the teaching of the teacher to the learning of the learner and also the other way round. [page 316]Geert2009

Sous ces hypothèses les incidents didactiques seraient des éléments déterminants de ces processus de transmissions qui permettraient de préciser les trajectoires effectives des apprentissages dans le système dynamique modélisé.

En reprenant les définitions données dans le chapitre 1, $X=\left\{U(x_i)/x_i \in A\right\}$, on pourrait imaginer définir une distance $d$ entre deux univers cognitifs de deux acteurs ; par exemple en quantifiant la relation d'un acteur à un objet, $\forall x_i$, $U(x_i)$ peut être représenté comme un nuage de points de $O_I\times [0,1]$, où $O_I$ est l'ensemble des objets mathématiques de l'institution $I$, une distance (si on peut établir une métrique) entre deux univers cognitifs pouvant alors être définie comme la distance entre deux nuages de points.

Une situation didactique apparaitrait alors comme une transformation $f$ (un ensemble de transformations) de $ X \rightarrow X$, c'est à dire un système dynamique de l'espace $X$. L'orbite d'un point $x$ de $X$ est la suite $\left(f^{\circ n}(x)\right)$ que l'on peut voir aussi comme les suites des univers cognitifs d'un élément de $A$ (ensemble des acteurs) en fonction du temps. En définissant une distance $d$ sur $X$, on construit un espace métrique. L'espace métrique $X$ n'est pas a priori complet, puisque la connaissance visée dans l'institution décrit comme $U_I$ n'est pas un élément de $X$. Mais, on peut considérer le complété de l'espace métrique $(X,d)$, ce qui correspondrait à rajouter les limites des orbites des systèmes dynamiques, parmi lesquelles se trouvent $U_I$, considérée comme l'ensemble des rapports d'une institution aux objets en jeu dans la situation. Le but de l'enseignement est alors de faire converger (ou au moins s'approcher) les orbites des univers cognitifs des élèves de la dynamique de $U_I$.

On pourrait alors considérer l'espace de Hausdorff de l'espace métrique complet $(\widetilde{X},\widetilde{d})$, l'espace des compacts de $\widetilde{X}$, qui est lui-même, relativement à la distance $h$ un espace complet. Ce qui correspondrait à considérer les ensembles fermés et bornés, c'est à dire pour lesquels la relation à un objet n'est pas nulle. Dans ces conditions, l'intention didactique de l'enseignant pourrait être modélisée comme la construction d'un système dynamique contractant dont la réunion des images  recouvre   au plus près l'univers de l'institution. La dynamique de ce système devant alors converger vers cet univers. L'analogie peut alors être faite avec un système de fonctions itérées et le théorème de Barnsley1985. Ce théorème permet d'une façon pratique, de trouver un ensemble de transformations contractantes dont l'attracteur est   presque  ,   pas trop loin   d'un ensemble donné ; on doit s'efforcer de trouver un ensemble de transformations telles que la réunion des images de l'ensemble de départ  colle   avec cet ensemble.

theorem[Théorème de collage Barnsley1985] Soit $(X,d)$ un espace métrique complet et $L$ un ensemble compact. Soit $\epsilon \ge 0$. En choisissant un IFS $\{X,w_1,w_2, \cdots, w_N\}$ de facteur de contraction $s$ ($0\le k  < 1$) de telle sorte que :

\begin{displaymath}h\left(L,\bigcup_{n=1}^N w_n(L)\right) \le \epsilon\end{displaymath}

$h$ est la distance de Hausdorff. Alors

\begin{displaymath}h(L,A) \le \frac{\epsilon}{1-k}\end{displaymath}

avec $A$ le point fixe de l'IFS.

Toutes ces perspectives de travail devront s'appuyer sur une modélisation fine des connaissances en jeu dans une situation et demanderont un travail de définition des objets mathématiques alliant des perspectives épistémologique, didactique et ergonomique.

[minnames=1,maxnames=20]

Gilles 2012-03-05