Les incidents didactiques : outil méthodologique

D'un point de vue théorique, cette recherche a permis de construire une méthodologie d'analyse reposant sur :

  1. le croisement des domaines didactique/ergonomie cognitive,
  2. le développement de la genèse documentaire dans une perspective d'apprentissage

L'analyse des incidents peut ainsi être vue comme une méthodologie d'analyse d'une situation de classe ordinaire, aussi bien pour le chercheur qui pourra construire une grille d'analyse mettant en évidence les trajectoires individuelles des élèves d'une classe, mais aussi pour les enseignants qui pourront avoir à leur disposition des éléments d'analyse pour comprendre les phénomènes observés dans la classe, notamment lorsque la situation semble échapper au contrôle et pour le formateur pour permettre une analyse d'une situation de classe à travers les interactions entre professeur, élèves et savoir.

La volonté de suivre les interactions entre professeurs et élèves a nécessité un regard préalable sur le travail du professeur et des élèves dans leur globalité. Ainsi, les outils prévus de recueil de données tendaient à prendre en compte le travail de préparation des professeurs (journal de bord, entretiens) et le travail privé des élèves (contenus des calculatrices) ; la mise en \oeuvre de ces outils s'est heurtée à la négociation d'un contrat d'observation qui est inhérent à l'observation d'une classe ordinaire, mais qui, en revanche a empêché un recueil de données plus complet, notamment permettant de suivre plus profondément la genèse documentaire du professeur en lien avec les genèses documentaires des élèves. Pour confirmer les résultats de cette recherche, d'autres observations dans des classes ordinaires seront encore nécessaires ; le paradoxe de ce type d'observation vient des choix des classes observées : ou bien l'enseignant est engagé dans des travaux avec des associations de professeurs, ou des institutions (rectorats, IREM,...) et le caractère  ordinaire  de la classe n'est pas forcément assuré ou bien l'enseignant est en dehors de ces réseaux et la possibilité d'entrer dans la classe et de recueillir toute l'information souhaitée est délicate. Nous avons utilisé ce que nous qualifions d' accident de l'histoire , en profitant dans le lycée A d'un projet commun à tous les professeurs de mathématiques et de la participation du lycée B au projet européen EdUmatics. Si le contrat d'observation a été préparé par des rencontres préalables, des visites fréquentes, des entretiens informels, il s'avère que le recueil de données se heurte à la volonté des professeurs de ne laisser observer de leurs fonctionnements que ce qu'ils considèrent comme suffisamment public pour pouvoir être montré. La nécessité de neutralité de l'observateur empêche, pour ne pas modifier profondément les observations, de respecter ces choix, et ce faisant de perdre des renseignements qui, par moment auraient été essentiels. Ce qui est vrai pour les professeurs l'est tout autant pour les élèves, et si nous avons relevé la récurrence des incidents extérieurs liés à la présence de l'observateur dans la classe, le recueil des contenus des calculatrices s'est heurté, de la même manière à des réticences. Dans ces conditions, les  lieux d'enseignement associés  initiés par l'IFé en 2011, et dont l'objectif est de resserrer les liens entre la recherche et les acteurs, pourra certainement favoriser entre chercheurs et enseignants la négociation de ce contrat d'observation permettant de prolonger les résultats obtenus dans cette thèse.

Gilles 2012-03-05