Incident syntaxique

Dans un environnement numérique, les incidents syntaxiques qui correspondent à la traduction d'une volonté exprimée dans un registre de représentation familier ou naturalisé dans le registre de représentation du logiciel sont souvent générateurs de perturbations qui peuvent être locales, comme déjà rencontrées dans les observations de classes mais aussi, globales.

Des exemples de perturbations locales ont déjà été analysés dans les observations précédentes. Ce type de perturbation dont la conséquence est souvent un détachement de la situation se retrouve encore, comme on peut le voir sur cet extrait ; le professeur s'adresse à la classe entière et en parallèle les élèves manipulent la calculatrice :

P : Donc vous allez dans le catalogue et dans le catalogue, vous tapez la première lettre de l'instruction que vous voulez, donc ici R et après, y'a plus qu'à dérouler et et vous voyez Randint, elle est là . Voilà Il le fait sur l'ordinateur

P : Voilà. J'ai simulé le lancer d'un dé. Alors la question c'est comment vous allez simuler le lancer de deux dés et comment vous allez obtenir la valeur du plus grand moins le plus petit.

E1 : Et il faut mettre un espace.

E2 : Tu crois ?

E1 : C'est six

E2 : C'est ça randint(1,6) moins randint(1,6) ?

E1 : C'est comment la valeur absolue ?

E1 : Ca marche pas !

E2 : regarde l'écran de E1 Manquante ?

E1 : Et là ça fait six... Ahhh

E2 : Ahhh

E1 : Ca marche pas !

E2 : Trop d'arguments !

E1 : J'y arrive pas !

On voit dans cet extrait l'écart entre le discours du professeur et les difficultés rencontrées par les élèves ; l'incident syntaxique est ici provoqué par l'incompréhension de la rétroaction de la machine : l'erreur de syntaxe est signalée par un message : \fbox{( manquante} que E2 ne sait pas interpréter et qui se poursuit par une nouvelle rétroaction de la calculatrice, tout aussi sibylline : \fbox{Trop d'arguments}.

Clairement, les incidents syntaxiques sont inhérents à l'usage des technologies dans la classe ; la gestion de la classe et la prise en compte des perturbations sont des éléments essentiels permettant de limiter leurs effets dans le temps et de les transformer en lien avec une restructuration des connaissances :

Un exemple de perturbation globale est illustré dans l'entretien avec Clémence et Lucie4.26, qui ne se servaient pas de la calculatrice4.27 :

12 E6
Ben pour tout ce qui est fonction, personnellement, avec mon ancienne calculette, je rentre la fonction je vais dans graphe et ça me la trace alors que là, il faut, je sais pas faut la définir, faut...
13 E5
Y'a plein de cheminement à faire
14 E6
Oui, y'a plein de trucs à faire pour un seul résultat, alors que avec la calculette qu'on avait avant tu tapes ton calcul et t'as ton résultat, t'as pas besoin de faire fraction, machin, voilà...
15 E5
C'est plus rapide.

Elle datent très précisément le moment de départ de cette perturbation :

18 I
et c'est à quel moment, vous vous souvenez le moment où vous avez dit, ah non, j'en veux plus de cette calculatrice ?
19 E5
C'était très rapidement, oui parce qu'il fallait aller dans le menu, aller dans cet endroit là, enfin cliquer de partout, on avait pas mal de cheminement pour faire un calcul qu'on pouvait très bien faire avec notre calculette, plus rapidement en fait.
20 E6
Oui, moi, c'était une séance au début de l'année, sur les fonctions, on a passé deux heures à faire que de la calculatrice, ça m'a saoulé, ça m'a un peu dégouté de cette calculette.

La traduction d'un registre à l'autre, créateur essentiel des incidents syntaxiques, rajoute une difficulté aux difficultés déjà perçues dans le cours de mathématiques. Pour Clémence et Lucie, la calculatrice doit permettre de contrôler les résultats et en ce sens, elles veulent pouvoir faire confiance aux calculs effectués ; la difficulté de la syntaxe de la nouvelle machine leur fait perdre cette confiance.

43 I
Et pour les DS ?
44 E5
Pour vérifier les calculs, surtout.
45 E6
Pour se rassurer !

On retrouve cette même conséquence chez d'autres élèves ; ici Agathe (E7), qui elle, au contraire, affirme se servir de la calculatrice pour le cours de mathématiques :

17 I
Du coup, ça vous gêne ? Vous vous souvenez d'un moment où vous avez été gêné ?
18 E7
Ben des fois, dans les contrôles, on perd du temps, parce qu'on se rappelle plus où c'est, enfin, les touches, où elles sont, sur le coup, ça fait perdre du temps.

ou dans l'entretien avec Maxime (E9) et Kevin (E10) :

79 I
Dans ces moments là, quand la calculatrice vous dit des choses saugrenues, vous faites quoi ?
80 E9
Ben on essaye de savoir ce qui s'est passé, quoi ! Et si on n'y arrive pas...
81 E10
On prend l'autre !
82 I
On prend l'autre ? Et l'autre elle vous donne des résultats...
83 E10
Des résultats peut-être plus... plus comprend, des résultats qu'on comprend !
84 E9
Ben là celle là ça fait pas longtemps qu'on l'a, l'autre on l'a depuis le collège.

Les contenus des calculatrices donnent également des indices du niveau de maîtrise de la syntaxe du logiciel et, par exemple, dans la calculatrice d'Agathe, les fichiers présents montrent des calculs élémentaires n'utilisant que très peu les fonctionnalités de la machine ou bien des fichiers conservés d'une activité faite en classe. Jimmy, quant à lui, dans le répertoire  Devoirs  de sa calculatrice, conserve un fichier donnant les règles de calcul des limites, écrites dans le bloc note. Il déclare dans l'entretien :

A part au pire enregistrer des cours dessus, la fonction écriture, ça ça fonctionne bien. Au lieu de sortir son cours...

(entretien Nicolas et Jimmy)

La traduction dans la syntaxe de la calculatrice ne semble, dans ce cas, pas suffisamment bien maîtrisée pour que Jimmy ait la confiance nécessaire pour taper directement le calcul souhaité dans l'application  Calculs . Les images ecranjimmy montrent bien, l'écart entre ce que fait cet élève et ce que peut proposer la calculatrice.

Figure: Bloc note : écart entre l'usage et les potentialités.
Image contenuJimmy

Image contenuJimmy2

Sur l'écran du haut (reproduction de la calculatrice de Jimmy), cet élève a reproduit quelques formules qu'il considérait comme utiles pour son travail. Sur le même fichier, l'élève garde en mémoire la syntaxe de la calculatrice : ici, menu-4-1 donne la syntaxe de la calculatrice permettant de calculer une fonction dérivée, la dernière ligne rappelle les menus nécessaires pour obtenir les racines d'un polynôme de degré deux.

Gilles 2012-03-05