Entretien avec Alexis

A l'issue d'un cours observé, entretien à chaud avec Alexis. Deux interwievers, I1 et I2.

  1. I1 : Bien, on va commencer, alors, je voudrais te poser une première question en fonction de ce que tu as préparé, qu'est ce qui est apparu pour toi le plus notable, ou intéressant ou remarquable.
  2. Alexis : Qu'est ce qui m'a paru le plus intéressant, le plus remarquable ? Ah ! Boh, ce qui m'intéresse toujours, c'est quand on prend le temps de préparer quelque chose, et qu'on le prépare bien, on a l'impression que les élèves adhèrent, et qu'ils font les choses. Et ça, c'est satisfaisant. C'est à dire, quand tu as pris le temps de préparer quelque chose et que tu as fini ton heure et que les élèves ont travaillé, ça c'est bien. Et là, je suis content parce que j'ai vu des élèves actifs, qui faisaient des choses. J'ai vu des élèves qui avaient des idées, aussi, j'ai vu des élèves venir aider un camarade parce qu'ils ont d'autres idées que nous, donc c'est bien. Et puis euh, des élèves qui ont su travailler quand même avec le logiciel, donc ça veut dire que petit à petit les choses rentrent et le fait de travailler, machine et logiciel, et bien si tu veux tout le temps qu'on passe sur la machine c'est un trav..., c'est du temps qu'on gagne pour après, l'utilisation du logiciel. Alors là, je suis content de voir que bon, alors, si tu veux, c'est enclenché, le travail est enclenché. Alors je ne dis pas que les élèves maitrisent parfaitement l'ordinateur, mais que euh, qu'il font la démarche d'utiliser et donc qu'ils sont preneurs, quoi !
  3. I1 : Est-ce qu'il y a quelque chose qui t'a attiré dans les réactions des élèves, des réactions qui sont remarquables ?
  4. Alexis : Ben, oui, réaction de Luce, de toutes façons, mais c'est un pilier de la classe, elle elle va voir les choses tout de suite. Quand je dis faites une conjecture de l'aire en fonction de $a$ elle répond , ça ne lui pose aucun problème. C'est sûr, que quand on a des élèves comme ça pour s'appuyer, on peut mener l'activité. Imaginons la même activité dans une classe où on n'a pas d'élèves sur lesquels s'appuyer, on va y passer deux heures. Donner moi, l'aire en fonction de $a$ ! Et ça répondra pas, et tu seras là comme un innocent avec ton activité. Et là, tu ne seras pas content. Moi, je ne crois pas qu'on peut voir des cours parfaits, ou des choses parfaites sans élève. Moi, je sais pas, mais un mec qui fait des manuels, un mec qui parle de l'enseignement des mathématiques, c'est bien quand même qu'il se rappelle qu'est ce que c'est qu'un élève. Et là quand on prépare cette activité, je savais que dans ce groupe il y aurait deux ou trois élèves sur qui m'appuyer, pour par exemple accélérer ; quand j'ai vu par exemple que l'heure commençait à tourner, donc j'ai dis bon, tac, tac, tac, il me reste ça à faire, ça... j'accélère, c'est pas grave, ceux qui de toutes façons sont en grande difficulté, ils le resteront, si tu veux, mais bon pour finir l'activité, hop, je prends un bon élève, je lui pose la question tac, tac, tac, c'est fini ! Après on reviendra, bien évidemment, ce n'est qu'une activité d'approche, ensuite on fera le cours et tout, et là on travaillera avec les élèves. Voilà, donc globalement, moi je suis content, on a fait des maths, ça a bougé, ça a fait des choses, non, je suis content. C'est comme ça que je vois une séance de mathématiques en terminale S. Les élèves qui font des choses, qui disent, qui parlent qui avancent et qui en plus font l'activité, donc c'est encore mieux !
  5. I2 : Là tu l'as fait deux fois puisque le premier groupe c'était ce matin ?
  6. Alexis : Oui
  7. I2 : Alors comme on n'était pas là dans le premier groupe, est-ce que c'était similaire, différent, est-ce que tu peux caractériser un groupe par rapport à l'autre ?
  8. Alexis : Dire que, euh, différent, non. Puisque l'activité c'était la même chose, on est arrivé au même point. Donc on a réussi... On n'a peut être moins accélérer parce que les élèves dans le premier groupe ils sont meilleur, j'ai pas eu besoin de mettre un petit coup d'accélérateur à la fin de la séance. Non, qu'est-ce que... Non, dans l'autre groupe j'avais un bon élève, à la manière de Luce, de Thierry, qui lui, à un moment donné, mais là je ne pouvais pas arrêter la séance pour lui, on aurait pu, mais je pouvais pas, il avait déjà dans sa tête vu que au lieu de s'embêter avec des rectangles supérieurs, inférieurs, il a tout de suite vu qu'on pouvait bosser avec des trapèzes. Bon, effectivement, l'approximation d'une aire avec des trapèzes, ça se fait bien, je veux dire c'est un TP qu'on peut faire en terminale, mais là bon là, c'est l'activité qui prime, donc on peut pas se permettre d'arrêter tout, de dire OK on va parler des trapèzes, parce qu'on a un objectif pour la séance, après on peut très bien imaginer si j'ai le temps de faire un petit truc rapide avec des trapèzes et de montrer qu'on arrive beaucoup plus vite, qu'on approche beaucoup plus rapidement l'aire de la partie hachurée avec des trapèzes qu'avec des rectangles. Alors voilà un bon élève qui a fait une remarque intéressante. Après, non, globalement, si tu veux ils ont avancé à peu près de la même façon, ils ont été un petit peu plus vite quand on a voulu encadrer, quand on calcule l'aire des rectangles, quand on subdivise en huit, alors là ils ont été un petit peu plus vite eux, que eux qui ont un peu ramé, globalement ils ont été un peu plus vite mais bon, au niveau de ce qu'il y avait à faire, ils ont fait pareil.
  9. I1 : Et qu'est ce que t'a donné cette première mise en \oeuvre ; tu as fait la première mise en \oeuvre de cette activité puis ensuite la deuxième, pour toi quelle est la modification ou la différence entre la première et la deuxième ?
  10. Alexis : Différence, non, je...j'en n' ai pas...c'est parce que, quand tu prépares l'activité, faut pas oublier, quand tu prépares l'activité, tu as, tu as dans ta tête, tu les as en face de toi les élèves, donc déjà tu as, bon tu peux être surpris par des remarques auxquels tu t'attends pas, mais quand même quand tu prépares l'activité, ils y sont les gamins. Que ce soit dans un groupe ou dans un autre groupe, t'as pas de surprise ou t'as des surprises qui sont différentes d'un groupe à l'autre. Bon, là par exemple, la surprise c'est deux ordinateurs en panne, alors que je l'avais pas dans l'autre groupe. Comme quoi, t'as deux séances et ça marche pas de la même façon. T'en as une qui s'est mis avec l'autre et puis l'autre, je lui avais dit met toi avec ta copine et hop elle a pris sa machine et elle l'a fait à la machine. J'aurais même pas pensé de lui dire prends ta machine pour faire l'activité, là c'est venu d'elle et d'ailleurs c'est très bien, on peut pas dire que ce soit pas une bonne élève, elle est en difficulté, mais, bon malgré tout, là elle a eu cette prise d'initiative et qui était vachment bien, j'ai trouvé. Donc par exemple, voilà par exemple, tu as deux choses différentes d'un groupe à l'autre, ça c'est certain. Mais après au niveau du contenu, du cheminement, si tu veux, pour moi dans ma tête c'était clair, on partait, comme je te l'ai dit un petit peu hier. On part d'un truc tout bête, hein ! Au collège on apprend aux élèves à trouver des aires en subdivisant avec des petits carrés, donc ils peuvent le faire en terminale. Donc la tu pars d'un niveau cinquième, à la limite, pour petit à petit introduire une notion qui est quand même une notion de terminale S. Donc mon activité, je pars de choses très très simples pour arriver à quelque chose plus compliqué. Donc mon activité elle était comme ça, je l'ai mené dans un groupe comme dans l'autre de la même façon parce que je savais d'où je partais et je savais où je voulais arriver, avec des petites variations, mais au niveau de l'activité, il y a pas eu de différences entre les deux, si tu veux.
  11. I1 : Comment tu donnes suite à ce que tu as fait aujourd'hui en classe ?
  12. Alexis : Alors comment je donne suite. Bonne question. Ca ça va me servir... Quand on fait des mathématiques en terminale S, et quand on en fait en seconde, d'ailleurs, souvent, très souvent,... Bon, il faut que tu saches, qu'un élève de seconde quand tu lui mets des lettres devant lui, y'a des $a$ et des $b$, cet élève, c'est comme s'il était en Chine devant des panneaux indicateurs. Le bon élève, oui, le bon élève, $x$, $y$, tac c'est des lettres qui sont dans la fin de l'alphabet, c'est des variables, ou des inconnues. $a$, $b$, $c$ sont des lettres qui sont dans le début de l'alphabet, ça va être des paramètres, et bref, il y a tout un tas d'implicites qui fonctionnent avec les lettres que nous on maitrise parce que c'est notre boulot. Donc, ce genre de choses, si tu veux en seconde, moi, je me suis dit, en même temps, il faut amener les élèves à faire preuve d'abstraction mais en même temps il faut leur permettre d'y arriver. Il faut surtout pas dire que $y$ et faut pas que ça soit un yaourt et trois yaourts ça fait quatre yaourts, c'est pas bon, c'est pas ça qui faut faire, mais il faut que le gamin il arrive à savoir que $y$ plus trois $y$ ça fait . Si tu veux, par exemple quand j'ai fait le truc avec $x$ prime, conjecturer l'aire en fonction de $a$. Je vais dire ça devant mes collègues ils vont bondir ! Ils vont me dire, Alexis, tu ne fais pas des maths ! C'est une honte ce que tu fais !
  13. I1 : Pourquoi ?
  14. Alexis : Parce que pour eux ce ne sont pas des mathématiques : je pars d'une observation et je fais quelque chose. Je l'ai pas démontré. Je suis désolé, ça je m'assois dessus. Moi ce qui m'intéresse c'est que dans mes quatre murs, mes élèves arrivent à faire des mathématiques. Donc je vais faire ça. Et si tu veux, après je vais faire la leçon avec toute la rigueur mathématique qui s'impose. Mais quand je vais leur dire que l'intégrale de c'est la primitive, hein , je leur dirai, rappelez vous ce qu'on a fait, on avait les aires, on avait la grande aire sous la courbe moins la petite et on a obtenu l'aire entre $a$ et $b$. Je vais faire référence à ce qu'ils ont fait. Avec des choses, avec leurs outils. Et si tu veux ça va donner du sens. Le problème c'est qu'on ne donne pas assez de sens aux mathématiques, aux objets mathématiques. Et souvent les élèves comme ça perd..., y'a plus de sens, donc ils ne maitrisent pas les trucs, ou ils sont pas preneurs, tu vois ce que je veux dire ? Donc une activité, c'est, si tu veux c'est un ciment sur lequel tu vas pouvoir construire ta leçon et auquel tu feras référence. Par exemple tu vas faire la transitivité de l'intégrale, l'intégrale de $a$ à $c$ c'est l'intégrale de $a$ à $c$ plus l'intégrale de $c$ à $b$ ; tu partages ton aire en deux ! de $a$ à $c$ t'as ceb morceau là, de $c$ à $b$ t'as ce morceau là et de $a$ à $b$ t'as tout le morceau. Avec un peu de chance, tu peux t'amuser avec..., tu vas dans l'application graphiques et ut fais mesurer avec la machine. Et hop, tu vois. C'est l'intérêt de la machine à calculer, moi je suis désolé, la calculatrice ça m'a toujours aidé à donner du sens à ce que je fais en mathématiques. Parce que ce sont des nombres, parce que c'est numérique, et les élèves le numérique ça peut aller, l'algébrique ça devient tout de suite plus diffiile. Donc ça me permet moi de donner du sens à ce que je veux faire.
  15. I1 : Et pour ce fichier que tu as préparé pour cette séance comment tu penses à de nouvelles exploitations, est-ce que tu vas amener des modifications ?
  16. Alexis : Alors je me suis demandé quand on l'a fait tout à lheure, je me disais que par exemple, le tableau que j'ai donné à la classe, ici je me suis dis que j'aurais très bien pu le mettre dans un tableur ce truc là. Et j'aurais très bien pu, ici, au lieu de demander aux élèves de se mettre dans le mode calcul, de mettre l'intégrale donc, de 0 à $a$ de Donc ça j'aurais pu le faire dans le mode tableur et liste.
  17. I2 : Oui, et en effet prolonger en utilisant le côté formel du tableur, c'est à dire après faire l'intégrale de 0 à $a$ pour faire sortir la formule.
  18. Alexis : Oui, oui, alors, après, alors voilà, donc si tu veux voilà c'était des choses en faisant l'activité avec les élèves, enfin, je l'ai modifié pour l'année suivante. Mais bon si je ne l'avais pas faite, je n'aurais pu entrevoir ce genre de chose.
  19. I1 : Et quand alors tu as fait cette modification lors du travail en classe ?
  20. Alexis : Là, tout à l'heure ! Quand j'ai vu Thierry se mettre dans un tableur, j'ai dit, qui dit tableau dit tableur et liste. Comme tu dis on peut tout de suite visionner le côté formel avec l'aire. C'est l'intérêt de se lancer et de se poser les bonnes questions.
  21. I1 : Donc on passe à... Peut-être tu as des questions ?
  22. I2 : Oui, j'aurais deux questions, d'abord, quand tu as dis on augmente, on va augmenter le nombre, les élèves...
  23. Alexis : de subdivisions
  24. I2 : les élèves ont bien compris qu'on aurait une approximation qui sera de plus en plus fine, alors tu as lancé cinquante, mille...  et il y a une élève, là qui a dit, on va à l'infini. Et tu l'as entendu, ça ?
  25. Alexis : Non moi j'ai entendu dix mille...
  26. I2 : Je me suis demandé si tu l'avais entendu ou si tu ne l'avais pas entendu.
  27. Alexis : Mais c'est pas dix mille qu'elle a dit, et elle a dit après ça ne marche pas, parce qu'elle a essayé avec dix mille
  28. I2 : Oui, oui, après ils sont partis sur ça. Et je me suis demandé si tu l'avais entendu et si tu voulais pas le reprendre parce que ce n'était pas ton objectif de la sénace. Et alors la question qui vient après, c'est si tu l'avais entendu, est-ce que tu l'aurais repris ?
  29. Alexis : Non. Je vais te dire, alors, tou bêtement, j'ai eu la question dans l'autre groupe. Donc c'est un élève qui fait spécialité aussi. Il y a un élève qui m'a dit, mais monsieur, on pourrait très bien décider de travailler avec $n$, et donc on pourrait alors travailler avec des suites et des sommes de termes de suites. Alors je lui ai dit oui, je lui ai dit, ton truc est très intéressant, parce qu'on peut obtenir avec la somme des rectangles inférieurs, une suite croissante, la somme des rectangles supérieurs une suite décroissante et même tu vas avoir deux suites adjacentes qui tendent vers la même limite. Alors, je lui ai dit effectivement, ce serait un bon TP à faire sur les suites, je lui ai dit, mais ce n'est pas l'objet du truc, donc on n'en parle pas et on travaille, sur ce que j'ai prévu, c'est à dire on cherche à savoir à combien, combien vaut cette putain d'aire, excusez moi l'expression. Effect... Mais la question a été posée. Effectivement, je n'ai pas fait semblant de ne pas entendre, je lui ai dit que ça pouvait être le thème d'un TP, mais moi, j'avais mon objectif qui était précis, mon objectif ce n'est pas de faire ça aujourdhui, c'est faire ça. Et il a très bien compris. Donc voilà comment j'aurais réagis si je l'avais entendu. Je n'aurais pas fait semblant de ne pas entendre, c'est pas bien, j'aurais dit effectivement on peut le faire avec $n$, on peut mettre faire tendre $n$ vers l'infini, arriver à la notion de limite et, je veux dire, effectivement on verrait donc que l'aire c'est la limite de quelque chose, mais j'aurais dit à mes élèves, aujourd'hui ce n'est pas le but du truc, aujourd'hui on fait ce qu'on a prévu, on verra ça après.
  30. Digression et discussion sur les recueils de données

Fin de l'entretien.

Gilles 2012-03-05